Les plateformes de recrutement en ligne ont le vent en poupe. Mais quelles sont les incidences pour le bien-être des travailleurs qui y sont recrutés?

Rapport sur les risques

L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) s’est penchée sur les risques potentiels du crowdsourcing. Elle présente ses conclusions dans le document «A review on the future of work: Online labour exchanges, or ‘crowdsourcing’: implications for occupational safety and health».

Définition

Le crowdsourcing est défini comme «le travail rémunéré organisé via un bureau de placement ou une plateforme de recrutement en ligne». Bien que cette forme de travail puisse se présenter en entreprise (en travaillant par exemple avec des équipes virtuelles), il s’agit le plus souvent d’un client engageant un travailleur freelance via une plateforme en ligne.

Le travail, très varié, dépend de différents facteurs:

  • Statut professionnel: travail pour personnel hautement qualifié, mais aussi travail routinier pour un personnel moins qualifié;
  • En ligne ou hors ligne: les personnes qui complètent des bases de données numériques travaillent en ligne. Les ouvriers du bâtiment, chauffeurs de taxi, consultants ou formateurs sont embauchés et dirigés en ligne, mais ne travaillent pas (uniquement) sur un PC;
  • Lieu: travail à domicile, chez l’employeur ou ailleurs;
  • Statut: indépendant/freelance ou salarié;
  • Client: entreprise ou particulier;

Selon EU-OSHA, le nombre de plateformes en ligne qui recrutent des travailleurs et des freelance et d’employeurs qui recourent à ces services sont en nette augmentation. Il est cependant difficile de donner des chiffres précis.

Risques physiques

Les risques physiques des travailleurs engagés sur une plateforme en ligne pour effectuer du travail sur écran, ne diffèrent guère de ceux auxquels sont exposés les travailleurs fixes: troubles musculosquelettiques (TMS), fatigue oculaire, stress,…

Par contre, dans une relation de travail classique, l’employeur est tenu de procéder à une analyse des risques et de prendre les mesures de prévention adéquates. Les travailleurs freelance assument cette responsabilité seuls. Résultat: ils travaillent souvent à domicile, dans des conditions peu ergonomiques (ordinateurs portables sans support, table inadaptée, siège non-réglable, pièce mal éclairée,…).

De plus, ces travailleurs ont souvent des délais si serrés qu’ils ne prennent pas de pauses et souffrent de stress. Ils sont dès lors plus exposés aux TMS. En outre, comme ils n’ont pas de contrat fixe, ces travailleurs n’entrent généralement pas en ligne de compte pour une formation et sont mal informés sur le bien-être au travail.

Enfin, les travailleurs engagés en ligne pour effectuer un travail physique (comme les ouvriers du bâtiment, chauffeurs de taxi,…) sont peut-être exposés à plus de risques que les travailleurs qui exercent les mêmes tâches sous contrat fixe. En effet, ils ne savent pas toujours où ils vont devoir travailler. Ils n’ont parfois pas suivi les formations nécessaires en sécurité, reçoivent des instructions vagues et n’ont pas les vêtements de travail et EPI adaptés.

Risques psychosociaux

La plupart des risques psychosociaux auxquels sont confrontés les travailleurs en crowdsourcing sont liés à leur statut précaire. Ils ne sont jamais certains d’avoir du travail et ignorent pour combien de temps. De plus, il arrive qu’ils soient payés trop tard, voire pas du tout.

D’autres éléments peuvent aussi générer des risques psychosociaux:

  • missions just-in-time: il faut réagir très vite, sinon ils passent à côté du job;
  • frontière entre travail et vie privée mal délimitée (p.ex. personnes travaillant à domicile quand les enfants sont à la maison);
  • délais imposés souvent serrés;
  • souvent absence de droit à la protection sociale (assurance maladie, congé parental…);
  • problèmes (addiction, burn-out,...) non identifiés ou décelés trop tard vu le manque ou l’absence de contrôle exercé par l’employeur.

Encore du pain sur la planche

D’autres problèmes se posent encore aux travailleurs et employeurs en crowdsourcing. On peut par exemple se demander qui est l’employeur: le client ou la plateforme de recrutement en ligne? Qui est responsable si le travailleur freelance est victime d’un accident du travail? Qui paie l’assurance? Quelles sont les directives européennes et les dispositions réglementaires nationales applicables?

La directive 91/383/CEE (relative à la sécurité et la santé au travail des travailleurs ayant une relation de travail à durée déterminée ou une relation de travail intérimaire) semble très pertinente. Mais si le statut du travailleur est flou, comment savoir si la directive s’applique?

Selon EU-OSHA, l’Union européenne et les Etats membres ont quelques défis majeurs à relever dans ce domaine. Les parties concernées doivent tendre vers un équilibre: prise de mesures pour mieux protéger ces travailleurs tout en encourageant les possibilités qu’offre cette manière de travailler. Mais, tout d’abord, il faudrait avoir davantage d’informations sur le nombre de travailleurs en crowdsourcing, leurs tâches, leur statut,…

Source: PreventMail n° 4/2016 – 29 janvier 2016

Plus d’info

Lire le document sur le site internet de l’EU-OSHA (en anglais): The future of work: crowdsourcing