L’utilisation de sous-gants en nitrile sous les gants ordinaires des pompiers: avis du CSS

En décembre 2022, le Conseil supérieur de la Santé (CSS) a rendu l’avis 9542 relatif à l’utilisation de sous-gants en nitrile sous les gants ordinaires des pompiers comme mesure de protection contre l’exposition aux substances cancérigènes dans les incendies.

Le présent article résume le contenu de cet avis et fait ensuite référence à d’autres voies d’exposition à des agents chimiques pour les pompiers et à l'augmentation des cas de cancer chez les pompiers déployés lors de l'incendie et de l'effondrement des tours du WTC le 11 septembre à New York et lors de l'incendie de l'immeuble d’habitations Grenfell à Londre. Enfin, cet article met en avant d’autres articles de ce site BeSWIC sur les pompiers et le CSS.

Résumé de la problématique et de l’avis

En Belgique, plusieurs types de gants de feu sont utilisés. La plupart des gants sont en textile, une minorité est en cuir. Tous les gants sont conformes à la même norme européenne EN 659.

Les pompiers sont en contact étroit avec des contaminants lors des interventions, à travers la suie et la manipulation de matériaux carbonisés. Une contamination croisée des mains peut se produire lorsque les gants sont mis et enlevés à plusieurs reprises. Par conséquent, les gants doivent être lavés pour éliminer le plus grand nombre possible de contaminants potentiellement cancérigènes. Les gants en cuir ne sont toutefois pas aussi faciles à nettoyer.

Malgré ce risque potentiel, certains pompiers souhaitent continuer à travailler avec des gants en cuir, car ils considèrent que ces derniers offrent une meilleure protection contre la chaleur que les gants en textile. Pour se protéger des contaminations cancérigènes et toxiques, ils portent des gants en caoutchouc nitrile-butadiène (NBR) sous leurs gants de feu en cuir.

Afin d'évaluer ces questions de manière objective, l'avis du Conseil supérieur de la Santé a été demandé par le ministre fédéral de l'Intérieur en avril 2019. Un point de vue antérieur du ministre a en effet été contesté par l'Intercommunale d'Incendie de Liège et Environs (IILE), sur la base de résultats d’une série d’expériences menées par l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP). Les questions suivantes ont été posées:

  • Comment peut-on évaluer et comparer l'importance d'un risque direct à court terme avec un risque aléatoire à long terme?
  • Parmi les risques de cancers chez les pompiers, quelle est l'importance de ceux causés par la contamination des mains uniquement (surface limitée du corps)?
  • Le risque de cancer dû à la contamination des mains lors de la lutte contre l'incendie est-il supérieur au risque de brûlure des mains?
  • D'un point de vue médical, peut-on considérer que, dans le cas de brûlures aux mains, la présence d'un gant en nitrile partiellement fondu et décomposé induit un risque supplémentaire?
  • Peut-on affirmer que le traitement des brûlures ne sera pas affecté par la présence de nitrile fondu dans les plaies comme l'indique l'étude?

La lutte contre l'incendie comporte un certain nombre de risques spécifiques. La première partie de cet avis présente un aperçu des effets aigus et des effets chroniques. Les pompiers courent un risque accru de développer un cancer en raison de l’exposition à de multiples substances cancérigènes dans les incendies: hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), composés organiques volatils (COV), polychlorobiphényles (PCB), dioxines, furanes, phtalates, retardateurs de flamme, substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), amiante, etc. Plusieurs de ces substances sont également des perturbateurs endocriniens.

L'utilisation correcte d'Équipements de protection individuelle (EPI) est nécessaire pour se protéger contre ces substances nocives, qui peuvent être absorbées par ingestion, inhalation ou par la peau. Étant donné l'utilisation courante d'appareils respiratoires isolants (ARI; “Self-contained breathing apparatus” ou SCBA en anglais), l'absorption cutanée est considérée comme la voie d'exposition la plus importante. Il est important que les gants de feu soient décontaminés de manière adéquate, afin d'éviter toute accumulation.

Le caoutchouc nitrile-butadiène (NBR) n'est pas un matériau thermoplastique, mais un élastomère qui ne peut pas fondre. À haute température, le nitrile devient collant pour la peau, le temps de contact sera donc plus long et les brûlures plus profondes. En termes de brûlures, les gants en NBR présentent un risque supplémentaire. Toutefois, ce risque aigu doit être mis en balance avec le risque de cancer chronique lié à une exposition à long terme, ce qui constitue un compromis difficile à réaliser. Les deux risques doivent être abordés.

Cependant, étant donné que les brûlures sur les mains des pompiers se manifestent rarement dans les centres de brûlés, le Conseil supérieur de la Santé considère que le port de sous-gants en NBR sous les gants de feu est acceptable comme mesure préventive contre l'exposition cancérigène. Un contact prolongé entre la peau et des gants en cuir présentant une forte accumulation de substances cancérigènes est inacceptable, d'autant plus que les pores de la peau s'ouvrent sous l'effet de la transpiration. Il n'est pas exclu que de nouvelles études scientifiques puissent modifier cette position à l'avenir.

Le rapport se termine par quelques recommandations supplémentaires visant à réduire l'exposition aux agents cancérigènes. La possibilité de nettoyer les gants (en cuir) au CO2 liquide devrait être étudiée.

Plus d’infos

Vous trouverez davantage d’informations sur cet avis sur le site du Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaine alimentaire et Environnement (SPF Santé publique): Avis 9542 - L'utilisation de sous-gants en nitrile sous les gants ordinaires des pompiers.

Pour l’utilisation de plusieurs EPI, on peut renvoyer à la spécification technique ISO/TS 20141 récemment élaborée. Ce document décrit la compatibilité pour l’ensemble des équipements de protection individuelle (EPI) quand plusieurs EPI sont nécessaires parce qu’il existe plusieurs risques pour la santé et la sécurité. Cet équipement doit être compatible et rester efficace pour réduire les risques à un minimum. Plus d’informations disponibles sur le site de l’Organisation internationale de normalisation (ISO): ISO - ISO/TS 20141:2022 - Personal safety — Personal protective equipment — Guidelines on compatibility testing of PPE.

Autres voies d’exposition aux agents chimiques dans les services d’incendie

Toute personne, et donc également les pompiers, peut entrer en contact avec des agents chimiques par 3 voies d’accès: par ingestion (en avalant), par voie cutanée (à travers la peau) et par inhalation (en respirant).

L’avis précité concerne un éventuel contact cutané avec des agents chimiques et des brûlures. Un autre exemple est la perméation et la pénétration des produits de combustion à travers les vêtements de protection. D'où l'importance du nettoyage des vêtements des pompiers (également évoquée à la fin de l'avis). L’article suivant avait été publié sur ce site BeSWIC: Méthodes de nettoyage des tenues d'intervention des services d'incendie.

L’inhalation d'agents chimiques par les voies respiratoires peut être évitée par l'utilisation d'un appareil respiratoire autonome (appareil de protection respiratoire autonome avec masque complet).

Il existe des normes et diverses directives au sujet de ces appareils. Quelques exemples (internationaux):

L'absorption par la bouche (voie orale) peut se produire si, entre autres, les mains ne sont pas suffisamment lavées et que l'on mange de la nourriture, par exemple. Des mesures d’hygiène de base peuvent éviter cela. À l’automne 2021, ce problème a fait l’objet d’une des 3 campagnes organisées par la Direction générale (DG) Sécurité civile du Service public fédéral Intérieur. L’article suivant avait été publié sur ce site BeSWIC: Campagne chez les pompiers "Le feu n’est pas toujours votre pire ennemi".

Le Livre IX, titre 2 - Equipements de protection individuelle (PDF, 702 Ko) du Code du bien-être au travail contient plusieurs dispositions relatives à l’utilisation d’EPI, indépendamment du secteur. Il existe des dispositions spécifiques supplémentaires pour les zones de secours. L’arrêté royal du 30 août 2013 déterminant les normes minimales en matière d'équipement de protection individuelle et d’équipement de protection complémentaire oblige les zones de secours à se procurer les équipements de protection nécessaires et à les mettre à la disposition de leur personnel, en fonction de l’intervention et du risque que comporte l’intervention.

L’équipement individuel de base se compose des éléments suivants:

  • une veste et un pantalon de protection;
  • des chaussures d'intervention;
  • un casque de pompier avec lampe;
  • des gants de protection;
  • une ceinture de maintien et/ou une ceinture porte-outils.

En fonction des risques, deux variantes sont également prévues pour l'équipement individuel de base:

  • l'équipement technique qui est plus adapté aux interventions non-incendie;
  • la tenue d'intervention pour l'aide médicale urgente.

Plus d’informations sur le site de la DG Sécurité civile:

Consultez également le thème Équipements de protection sur ce site BeSWIC, où vous trouverez la rubrique Équipements de protection individuelle (EPI).

Tours du WTC (New York, 9/11, 2001) et immeuble Grenfell (Londres, 2017): augmentation des risques de cancer chez les pompiers

Lors de 2 événements, à savoir les attentats du 9 septembre sur les 2 tours du World Trade Center (WTC) à New York en 2001 et l’incendie de la tour Grenfell le 14 juin 2017 à Londres, de nombreux pompiers sont restés longtemps en contact avec des fumées et substances nocives et des particules de poussières des débris. Après les attentats du 11 septembre 2001, plusieurs études ont été publiées au sujet de l’augmentation des cas de cancer chez les pompiers qui sont intervenus sur les lieux. Les premières études ont entre-temps été publiées au sujet de l’incendie de Grenfell.

En juin 2022, une exposition virtuelle a été organisée pour commémorer la fin officielle de la reconstruction du WTC il y a 20 ans, avec des références à ces études sur le cancer. Plus d’informations en anglais sur le site d’AIHA: Virtual Exhibition Focuses on 9/11 Exposures, Health Effects.

La revue "Nature Scientific Reports" a récemment publié une étude sur le cancer chez les pompiers écossais entre 2000 et 2020, ainsi qu'une série de quatre articles sur les cas de cancer chez les pompiers (avec des liens avec Grenfell). Plus d’informations en anglais sur le site de la ‘University of Central Lancashire’: Firefighters far more likely to die from cancer and heart attacks than public.

Ces informations sont également disponibles sur le site de la ‘Fire Brigades Union’ (FBU) britannique. Ce site contient aussi les pages intéressantes suivantes (en anglais):

Le ‘European Public Service Union’ (EPSU) fait référence, dans l’article Minimising firefighters' exposure to fire effluents , à la dernière campagne. Un résumé est disponible en 8 langues.

Citons également le "position paper" suivant qui date de 2021, est disponible en anglais sur le site du ‘Industrial Injuries Advisory Council’ (UK) et met à jour les documents de 2008 et 2010 suite à l'incendie de Grenfell: The Industrial Injuries Advisory Council position paper 47: Firefighters and cancer (PDF, 402 Ko).

Enfin, le 1er juillet 2022, un communiqué du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé l'exposition professionnelle des pompiers comme cancérogène de classe 1. L'analyse complète paraîtra dans la Monographie 132 du CIRC au cours de l'année 2023. Plus d’informations en anglais sur le site du CIRC: IARC Monographs evaluate the carcinogenicity of occupational exposure as a firefighter.

Le Canada a été l'un des premiers pays à attirer l'attention sur les risques de cancer chez les pompiers et a également mené des recherches scientifiques sur le sujet. C'est ce qu'exprime l'article suivant paru en 2008 dans "Prévention au travail", disponible sur le site de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST): Cancer chez les pompiers: Pas de fumée sans feu? (PDF, 612 Ko).

Autres articles BeSWIC sur les pompiers et le CSS

Ce site BeSWIC contient plusieurs articles sur les pompiers. Vous pouvez les retrouver dans la fonction de recherche en tapant "pompier" ou via le tag pompier.

Il y a également quelques articles où il est fait référence aux avis du CSS. Voici quelques exemples: