08.03.2017

Le modèle traditionnel du travail connaît une évolution rapide avec l'utilisation croissante des technologies numériques, comme les smartphones, les tablettes, les PC portables et ordinateurs de bureau, pour travailler à la maison et ailleurs. Cela permet d'améliorer l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle, de réduire les temps de trajet et d'accroître la productivité, mais cela peut aussi conduire à un allongement du temps de travail, à une pression accrue et à une interférence du travail dans la sphère privée, selon un nouveau rapport conjoint de l'Organisation internationale du Travail (OIT) et de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).

Le rapport "Working anytime, anywhere: The effects on the world of work" (Travailler n'importe quand et n'importe où: les effets sur le monde du travail) est la synthèse d'une étude menée par les deux organisations dans 15 pays dont la Belgique. L'étude se concentre sur différents types de travailleurs qui utilisent les nouvelles technologies pour travailler en dehors des bâtiments de leur employeur, incluant les télétravailleurs à domicile réguliers, les télétravailleurs occasionnels et les télétravailleurs mobiles recourant aux TIC (Telework/ICT-Mobile work (T/ICTM)).

L'incidence du T/ICTM varie fortement, de 2 à 40% des travailleurs, selon le pays, le métier, le secteur et la fréquence à laquelle les travailleurs effectuent ce type de travail. En moyenne, dans l'Union européenne (UE), quelque 17% des travailleurs sont concernés par le T/ICTM. Dans la plupart des pays, les travailleurs sont plus nombreux à recourir au T/ICTM de manière occasionnelle que de manière régulière.

Le rapport pointe une série d'effets positifs du T/ICTM. Par exemple, l'autonomie accrue en matière de temps de travail, qui permet davantage de flexibilité au niveau de l'organisation du temps de travail, ou encore la réduction des temps de trajet, qui conduit à un meilleur équilibre général entre temps de travail et vie privée et à une augmentation de la productivité.

Le rapport épingle par ailleurs divers inconvénients, tels que la propension à travailler plus longtemps et une délimitation floue des frontières entre travail et vie privée, ce qui peut engendrer une forte dose de stress. Le rapport souligne en outre une différence nette entre les travailleurs qui télétravaillent à domicile, lesquels paraissent bénéficier d'un meilleur équilibre entre travail et vie privée, et les télétravailleurs "ultra mobiles", qui courent un risque important de ressentir des effets négatifs sur leur santé et leur bien-être.

Le rapport montre que l'utilisation des technologies modernes de communication procure un meilleur équilibre général entre travail et vie privée, mais que dans le même temps, elle contribue à ce que les frontières entre le travail et la vie privée s'estompent, en fonction du lieu où le travail est effectué et des caractéristiques des divers métiers.

Le rapport donne des recommandations pour éviter les inégalités, comme le fait de favoriser le télétravail formel à temps partiel afin de donner aux télétravailleurs l'opportunité de garder des liens avec leurs collègues et d'améliorer le bien-être des travailleurs et, dans le même temps, de limiter le T/ICTM informel additionnel de longue durée.

Il importe surtout de s'attaquer au travail additionnel par le biais des technologies modernes de la communication, par exemple le travail additionnel à domicile qui doit être vu comme des heures supplémentaires non payées, mais aussi de veiller à ce que les périodes minimales de repos soient respectées afin de prévenir les effets négatifs sur la santé et le bien-être des travailleurs.

À l'heure actuelle, seule l'UE dispose d'un cadre général adapté aux changements numériques en matière de télétravail, avec l'accord-cadre européen sur le télétravail. La plupart des initiatives existantes concernent cependant le télétravail formel à domicile, tandis que les problèmes plus récurrents apparaissent dans le cadre du T/ICTM informel et occasionnel.

Étant donné que le télétravail gagne en importance, il est urgent et nécessaire de séparer le travail rémunéré et la vie privée. En France et en Allemagne, on commence à instaurer des règlements à ce sujet au niveau des entreprises et au moyen des législations existantes et nouvelles. À l'avenir, cela pourra mener à des mesures concrètes qui devront rendre le travail rémunéré moins omniprésent, par exemple en coupant les serveurs informatiques en dehors des heures de travail afin de rendre impossibles les échanges d'e-mails pendant les pauses et les congés, comme le font déjà certaines entreprises.

Ce rapport est disponible en anglais sur le site web d'Eurofound: Working anytime, anywhere: The effects on the world of work.